mercredi 17 novembre 2010

Mon premier strip-tease littéraire

Alors que je fouillais dans mes souvenirs, je me suis rendu compte que j'étais un fouilleur. J'ai toujours aimé fouiller. Un de mes souvenirs les plus anciens, remonte au Rang"Neu". Je suis assis par terre dans la cour et j'ai l'idée de me mettre un beau petit caillou rond dans le nez pour voir ce que ça donne. Je ne vous décrirai pas comment le docteur et surtout avec quel outil il me fouilla le nez pour extraire ce corps étranger, mais il me semble que ce fut le début d'une longue carrière de fouilleur. A un moment donné j'ai tellement eu de problèmes avec cette manie saignante que, quand maman me voyait arriver avec mon drap pour étancher mon sang, elle disait: "tiens, voilà encore mon saigneur" C'était devenu une vocation. Mais je ne voudrais pas que vous ayez tous ça dans le nez.
Mon nez étant quand même limité, mes fouilles se sont étendues. Quand je gardais le soir et qu'enfin j'avais réussi à coucher les petits et que le grand s'était endormi de lui-même sur le divan, là, c'était ma récompense. Quelle jouissance que de fouiller dans le sanctuaire de la chambre de papa et maman. Quel plaisir que de chercher le défendu, caché soigneusement, ingénieusement par maman. Les pastilles, les gommes, le chocolat, le paquet de cigarettes de Noël, les pinottes en écales. J'avais autant de plaisir dans la recherche de ces trésors que dans leur consommation, et ce, en surveillant les autos dans le rang et René qui ronflait.

Un peu plus tard alors que les bonbons et la gomme ne m'intéressaient plus, je commençai à fouiller pour satisfaire des besoins très naturels, mais encore confus et qui, me faisaient des gros problèmes de conscience surtout dans le confessionnal avec l'accueillant Vicaire Larouche. Comment dire, j'ai regardé six fois les Trois Grâces de Rubens dans le tome 3 de l'encyclopédie Larousse du XXe siècle, ou j'ai regardé au moins dix fois les seins rouges de la femme qui a la scarlatine dans le Larousse Médical, ou encore, j'ai regardé une heure les sous-vêtements de femmes dans le catalogue Eaton, pis j'avais pas d'argent pour commander.

Quand on allait à St-Adelphe, là c'était l'orgie. Mes oncles Fred et Aimé avaient la plus belle collection de "Nous Deux" que j'avais jamais vue. Malheureusement, elles étaient dans un garde-robe fermé par un rideau dans une chambre où nous ne pouvions aller. Mais l'attrait de toutes ces photos de femmes dont on essayait de deviner les secrets en penchant les revues pour voir plus profondément dans les décolletés, nous rendaient téméraires et nous faisaient oublier la terreur que nous éprouvions quand nous étions découverts.

J'avoue que par rapport à ce côté voyeur que j'admets, mon plus mauvais souvenir est celui de la fois où, en 7ième année, avec des maniaques catholiques, on avait eu l'idée d'aller acheter des petits journaux jaunes chez George Potvin à St-Félicien et que nous les avions déchirés devant M. Potvin pour lui montrer que "c'est pas beau çà", j'étais tellement gêné que j'ai même pas osé les regarder avant de les déchirer.

Bien des années plus tard, seul dans ma chambre au Cégep, alors qu'il ne me restait plus rien de mon $12.00 par semaine et que je lisais pour la 500ième fois dans mon Minuit tout fripé, la merveilleuse histoire du pauvre gars qui se fait violer par trois superbes femmes, je pensais à mes journaux déchirés et payés.

Avec tous ces rires que j'ai entendus, il me semble que je ne serai pas le seul à me faire brûler certaines parties en enfer. De toute façon, j'arrête ici parce que là, je serais rendu au moment où j'ai rencontré Sylvie et je vais prendre une fouille si je continue sur ce terrain.


J'ai écrit ce texte pour le lire à mes parents à leur 40e anniversaire de mariage. Tous mes frères et soeurs avaient fait la même chose, quels beaux moments!
 Voici ce que papa m'avait écrit et dit pour lui et maman.

Mario,

En bon diplomate que tu as toujours été, on est sûrs que tu as dû avoir beaucoup à voir dans l’organisation de la fête. Sans jamais t’imposer et en laissant les autres penser qu’ils avaient tout fait tu n’as rien brusqué et entre deux boutades tu as réussi à cimenter l’union entre tous.
Que de fois on a été témoins de cet art que tu as développé que des malins appelleraient aujourd’hui manipulation…
L’humour de ton texte, la richesse d’observation, la justesse des termes, la possibilité naturelle d’analyser tes comportements nous incitent `penser que tu ferais un bon écrivain…
Déjà tu devrais colliger tes souvenirs passés et noter ceux que tu vivras dans l’avenir…
De la haut, on sera extrêmement heureux de lire tes mémoires…

J'espère bien que c'est ce que tu fais...











1 commentaire:

  1. Comme c'est joliment et sincèrement tourné!
    Ça nous fait penser à nos propres fouilles juvéniles et fait naître du sourire à ces souvenirs.
    Merci, ça fait du bien...
    Marcelline

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